Être l’allié de mon enfant lors de ses tempêtes émotionnelles

« Être l’allié de son enfant », cela ne va-t-il pas de soi ? Nous aimons infiniment nos loulous, nous sommes prêts à tout pour eux, nous voulons leur bien-être et leur bonheur. Et pourtant, ne sommes-nous pas démunis lors de leurs tempêtes émotionnelles, et parfois même le contraire d’un allié ?

Parents et enfants dans le tourbillon des tempêtes émotionnelles

Lorsque notre enfant explose de colère parce que le verre orange est sale et qu’on lui a donné le verre jaune, parce que leur frère a touché le jouet avec lequel il projetait de jouer, parce que c’est l’heure du bain, qu’il ne veut pas y aller et qu’une fois le bain terminé, il ne veut plus en sortir : sommes-nous toujours aussi disposés à l’accompagner dans la gestion difficile de ses émotions et frustrations ? Parfois, on ne perçoit même pas le déclencheur : à la sortie de l’école tout allait bien, petit loup nous sautait dans les bras, et 10 minutes plus tard, c’est la crise du siècle. Je parle des jeunes enfants mais, en primaire et au collège, les débordements arrivent encore, souvent occasionnés par des frustrations du type “Tu ne sortiras avec tes copains que lorsque les devoirs seront terminés”, “Pas de film le soir lorsqu’il y a école le lendemain”, etc. Une dose de frustration mélangée à une bonne dose de fatigue, allongée d’une longue journée d’école : voilà le cocktail explosif.

Mais ne serais-je pas de mauvaise foi si je n’ajoutais pas un zeste (ou plusieurs) de fatigue parentale qui vire à l’épuisement lorsque les crises sont récurrentes ? D’agacement de répéter les consignes dans le vent ? Du poids des soucis ? Nous n’avons pas toujours la ressource intérieure pour être l’allié de notre enfant. Parfois, nous ne savons simplement pas comment faire. Alors nous lançons de petites phrases cinglantes : « C’est reparti pour une crise, ça faisait longtemps ! », « Arrête d’hurler comme un bébé ! », « Il y en a assez de tes caprices ! ». L’ironie, l’agacement, la colère, qui peut aller jusqu’à la violence, prennent le dessus. Alors, comment être un véritable allié pour nos enfants dans la gestion de leurs émotions ?

 

Deux vérités à se rappeler les jours de tempête

Premièrement : lorsqu’un enfant est submergé par ses émotions – souvent la colère, mais ce peut-être aussi la peur ou la tristesse – il ne le fait pas exprès. Si vous entendez cela pour la première fois, vous pouvez en douter, lever les sourcils en faisant la moue. J’ai également été dubitative à ce sujet jusqu’à ce que je vois, il y a des années, chez mon tout petit, le processus. Il était débordé, emporté dans sa colère comme dans un tourbillon. Je lisais son désarroi sur son visage : je voyais qu’il ne comprenait rien à ce qui se passait. J’aimerais dire que j’ai véritablement compris avec mon premier enfant, mais non. C’était mon troisième. En tant que parent, on est aussi désemparé que notre enfant lorsque cela arrive. Et, j’ai vu le même processus chez un plus grand : quand le (la) pré-ado s’énerve, commence à lever la voix et part dans une surenchère ou il (elle) veut (tout comme nous), avoir le dernier mot, il (elle) commence à dire des choses qu’il (elle) ne pense pas, juste pour blesser. Après, à froid, on débriefe et il reconnaît qu’il ne maîtrisait rien. On s’excuse, on s’embrasse. Il (elle) comprend que lorsqu’on met le doigt dans le tourbillon, il est déjà trop tard.

Deuxièmement : notre enfant se permet ces crises avec nous car il a confiance en nous. La première fois que j’ai entendu ce principe de la bouche d’une psychologue, je me suis dit « ben voyons ! ». Mais je comprends maintenant. Nous sommes, en tant que parent, la figure d’attachement de notre enfant. À l’école, il doit être assis de nombreuses heures pour des activités qui ne sont pas forcément celles qu’il aurait choisies (2 heures de Lego, OK mais 2 heures de calcul, c’est moins drôle). Il peut se défouler, mais dans un cadre fixé qui ne lui convient pas toujours (loulou rêvait de faire du vélo à la récré mais, aujourd’hui, les vélos sont réservés aux élèves de grande section). Il subit les pressions ou les commentaires des copains. Le plus souvent, notre enfant encaisse tout cela. Il a compris les codes, il sait qu’il y a des choses que l’on ne peut pas faire ou dire à sa maîtresse ou sa prof. Alors, il encaisse. Mais à la fin de la journée, la fatigue aidant, il décharge tout ce stress et ces tensions accumulées. Auprès de qui ? Auprès de nous, la figure d’attachement en qui il a confiance. Même si j’ai compris ce principe et que je crois qu’il est vrai, cela reste néanmoins difficile de faire face à ces explosions émotionnelles. Si vous avez un enfant très sensible, ce phénomène est encore amplifié.

Comment agir en amont et en aval des tempêtes émotionnelles pour les limiter ?

La première chose à retenir, c’est que lorsque la tempête est là, on ne peut pas faire grand-chose. Même chez les adultes, on reconnaît qu’il faut que ça passe. Un enfant, dont le cerveau n’est pas encore mature, est physiologiquement incapable de gérer sa colère. Et il est vain de chercher à raisonner un enfant en prise avec des émotions trop puissantes. Que faire alors ? Il nous faut travailler en amont. Depuis quelques années, on parle de plus en plus de ce sujet. Les émotions font partie du programme de Maternelle, de nombreux livres abordent ce sujet, comme le célèbre livre « La couleur des émotions ». Et effectivement, dans un premier temps il est essentiel de dialoguer avec notre enfant sur ce thème et de lui apprendre à mettre des mots sur ce qu’il ressent. L’enfant comprend ainsi qu’il est naturel de parfois ressentir de la peur, de la tristesse ou de la colère. Après une tempête émotionnelle, à froid, sans jugement, on peut revenir sur ce qui s’est passé en mettant des mots. En parler, expliquer, permet de donner du sens à l’explosion qui vient de se passer. Après un tel cataclysme, l’enfant se sent désemparé, sa confiance en lui est altérée. Il n’est pas fier de ce qu’il a dit ou fait. Il a besoin de nous.

En amont comme à froid, à distance d’une tempête émotionnelle, il est indispensable de discuter avec l’enfant pour essayer de décrypter avec lui les mécanismes des émotions. Qu’y a-t-il derrière une tempête émotionnelle ? Une frustration, un besoin insatisfait ? Soyons également conscients, entant que parents, que lorsque nous répondons aux besoins fondamentaux de notre enfant, cela limite les tempêtes. Les enfants ont besoin de sécurité, de stabilité, d’un sommeil suffisant, de communiquer, de sortir. Notre rythme de vie et nos activités permettent-ils la satisfaction de ces besoins ? Accordons-nous à notre enfant assez d’attention entière (sans téléphone ou autre occupation) ? Le rythme que nous lui imposons respecte-t-il son rythme propre et ses besoins d’enfant ?

En faisant les choses expliquées ci-dessus, en parlant de ce sujet, en mettant des mots, nous donnons à notre enfant des outils pour mieux comprendre ce qui lui arrive. Il pourra également mieux comprendre que, nous aussi, nous pouvons être envahis d’émotions difficiles à gérer. On peut lui dire « Tu me vois pleurer, parce que je pense beaucoup à mamie, elle me manque, comme à toi » ou encore « J’ai laissé la colère m’envahir et je t’ai dit des choses désagréables, je m’excuse. Je veux que tu saches que je ne le pensais pas. » En donnant à nos enfants les mots pour le dire, nous sommes déjà son allié. Comment l’être de façon plus efficace encore ?

Comment être le meilleur allié de son enfant pour l’aider à faire face à ses tempêtes émotionnelles ?

La meilleure façon d’être un allié pour son enfant est de lui faire comprendre qu’il peut compter sur nous lorsqu’il est submergé et d’agir de façon cohérente avec nos paroles.  

Il est essentiel de dire explicitement à notre enfant que nous sommes là pour l’aider dans ses tempêtes émotionnelles, comme dans tout le reste. Souvent, lorsqu’un enfant est en colère, il refuse les bras que nous lui tendons, il part s’enfermer dans sa chambre, il court partout en hurlant et en nous fuyant. Impossible de le raisonner. Mais si, en amont, nous lui avons expliqué que nous sommes là pour l’aider lorsque cela arrivera, qu’il voit nos bras tendus et notre visage plein d’amour, il se rappellera qu’il n’est pas seul. Évidemment, si quelques jours après lui avoir expliqué cela, il fait une crise et qu’il voit notre visage exaspéré et qu’il entend nos remarques désobligeantes, il aura du mal à voir en nous un allié. Ce n’est pas facile de mettre nos mots et nos actions en accord lorsqu’une tempête émotionnelle souffle dans la maison. Mais si nous sommes cohérents, notre enfant saura qu’il peut nous faire confiance. Cela ne marche que si nous sommes pleinement convaincus qu’il a besoin de notre aide dans ces moments-là. En tant que parents, nous pouvons aussi utiliser des supports pour nous aider.

Inspirée par un de mes enfants qui avait souvent des colères dont je ne savais comment venir à bout, j’ai écrit un album jeunesse sur ce sujet. Dans ce livre, INSPIRE, de petits animaux en proie à la tristesse, la colère, la douleur ou la fatigue, sont apaisés par leurs parents par des techniques simples de respiration et des paroles bienveillantes. Les enfants comprennent que leurs parents ne les jugent pas et qu’ils sont là pour les aider à retrouver la sérénité et le sourire. Les paroles de ce livre sont devenues la petite voix intérieure de mon garçon : il sait qu’il est précieux à mes yeux quelles que soient les émotions qui le secouent. Il sait que mon amour est inconditionnel qu’il parvienne ou pas à surmonter ses contrariétés. Nous sommes deux, et ensemble, on est plus fort. Depuis plusieurs mois, je lui lis le livre, nous en parlons. Il sait que je ne suis pas son ennemie dans la tempête, mais son alliée. Il vient maintenant dans mes bras plus facilement pour faire le plein de câlins et de force. Je sais les gestes qu’il aime et qui l’apaisent. Les tempêtes sont moins nombreuses, moins violentes et plus courtes aussi.

 Être parent est un long voyage où l’on ne cesse d’apprendre. Et, souvent, on doit réapprendre avec chaque enfant. Mais il y a des principes immuables : la bienveillance dans la gestion des émotions en fait partie.

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2 réflexions sur “Être l’allié de mon enfant lors de ses tempêtes émotionnelles”

  1. Timothé Poznanski

    Après avoir passé quelques jours difficiles avec notre petit Tom, je me suis dis qu’il était enfin temps que je lise cet article ! Tes mots me permettront de prendre plus de recul et de mieux gérer ces tempêtes qui font rage chez nous en ce moment.
    Merci Valérie !
    Timothé

    1. Merci. C’est là mon plus grand plaisir, apporter modestement un peu de lumière, de soutien dans ce beau mais difficile apprentissage du métier de parent.

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